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Où se trouvent les fonds propres nécessaires à la reprise ?

2023 a été une année difficile pour de nombreux investisseurs immobiliers. Mais malgré les gros titres, il est important de ne pas sombrer dans le pessimisme.

Oliver Salmon
Director, Savills World Research

En 2023, l’investissement mondial a atteint son niveau le plus bas depuis plus de dix ans. Le premier semestre de 2024 a été encore plus faible. Mais sommes-nous proches d’un tournant dans le cycle immobilier ? Les enquêtes sur le sentiment des investisseurs montrent un regain d’optimisme, étayé par des preuves de plus en plus nombreuses que les valeurs immobilières sont en train de toucher le fond. La toile de fond macroéconomique s’améliore également : les banques centrales commencent à assouplir leur politique monétaire, dans un contexte de baisse généralisée des pressions inflationnistes mondiales, et la croissance économique s’accélère.

Mais la reprise a besoin de capitaux : d’où viendront-ils ?

Certains investisseurs ont été refroidis par les pertes subies par leurs portefeuilles existants, la valeur des marchés immobiliers mondiaux ayant été amputée d’environ 2 000 milliards de dollars depuis le milieu de l’année 2022. Face à la perspective d’un changement de paradigme sur le marché, nombreux sont ceux qui préfèreront marquer un temps d’arrêt quant à leurs investissements futurs. L’environnement de la collecte de fonds reste donc très incertain. Les nouveaux capitaux levés au cours du premier semestre de 2024 ont baissé de 45 % par rapport à la même période il y a 12 mois.

Mais à court terme, au moins, il y a suffisamment de liquidités dans le système pour soutenir une reprise. Les fonds immobiliers en disposent d’une quantité importante, mais une grande partie a été engagée dans les années postpandémie de Covid-19, lorsque les taux d’intérêt ultra-bas ont favorisé l’essor des marchés immobiliers. Il en va de même dans l’ensemble du paysage de l’investissement. Rien qu’aux États-Unis, les institutions disposent d’environ 3,6 billions de dollars américains placés dans des fonds du marché monétaire à faible risque.

Le coût d’opportunité (« opportunity cost » ou coût de renonciation) lié à la détention de liquidités peut être important lorsque les marchés se retournent. Alors que les investisseurs ont bénéficié d’un bon rendement sur les liquidités (les fonds du marché monétaire américain ayant généré un rendement total de 5,5 % depuis que les taux directeurs américains ont atteint leur maximum en juillet 2023) ceux qui se sont redéployés sur les actions US ont bénéficié de rendements supérieurs à 20 %, en grande partie grâce à un marché haussier des actions tiré par le secteur de l’intelligence artificielle.

Ce capital non alloué peut maintenant être mis à profit. Après tout, il existe tout un écosystème en place pour soutenir un secteur immobilier plus actif. Sur certains marchés, les meilleurs actifs font déjà l’objet d’offres concurrentielles. La pression en faveur du déploiement ne fera que s’intensifier à mesure que les principales banques centrales abaisseront leurs taux directeurs, limitant ainsi les rendements disponibles sur les investissements à faible risque de type « cash ».

Si la demande non satisfaite est le catalyseur de la reprise à court terme, qu’est-ce qui la maintiendra ?

C’est là que la demande non satisfaite devrait jeter de l’huile sur le feu. Chaque année, environ deux tiers de l’activité d’investissement est soutenue par des investisseurs dont la stratégie envisage activement une sortie dans un délai généralement compris entre cinq et sept ans. Cela favorise un certain niveau de « rotation », puisque l’argent rendu aux investisseurs lorsque les fonds liquident leurs actifs est recyclé sur le marché.

Le cycle actuel se caractérise non seulement par un manque d’acheteurs, mais aussi par un manque de vendeurs. Les « vendeurs motivés » ont été rares, malgré tous les avertissements concernant le surendettement et les lacunes de refinancement, tandis que les vendeurs discrétionnaires ont été enclins à attendre le ralentissement, ou à « prolonger et feindre », afin d’éviter de cristalliser les pertes sur papier.

C’est ce que montre le « ratio de rotation » pour 2023, qui illustre l’ampleur de la rotation par rapport au passé. L’année dernière, il est tombé à un niveau jamais atteint depuis la crise financière mondiale.

Taux de rotation de l’immobilier mondial

Source: Recherche Savills – MSCI RCA

Toutefois, si l’on compare le volume des activités de vente au cours des 18 derniers mois aux transactions d’achat réalisées il y a cinq à sept ans, on constate qu’un grand nombre de biens immobiliers seront mis sur le marché lorsque la reprise s’installera, même si l’on reconnaît que la manière dont les fonds d’investissement gèrent les sorties lors d’un tel ralentissement du marché est très nuancée.

Last but not least : comment les fonds institutionnels, en tant que principale source de capitaux, réagissent-ils à la crise ?

La bonne nouvelle est que les investisseurs institutionnels ne montrent aucun signe de désintérêt pour l’immobilier. Les allocations se sont au contraire stabilisées ces dernières années, ce qui devrait permettre au marché de continuer à se renouveler à mesure que l’offre se libère.

Une part plus importante de ces capitaux pourrait être dirigée vers les fonds de dette, si les sources traditionnelles de financement deviennent plus prudente face au risque, réduisant ainsi le montant alloué aux stratégies d’investissement en actions.

Mais nous verrons également de nouveaux capitaux affluer dans le secteur. Les changements structurels en cours dans l’économie mondiale continueront à gonfler les coffres des principales institutions qui soutiennent l’immobilier, telles que les fonds de pension et les fonds souverains, même si les allocations restent stables.

Le principal moteur de cette tendance sera le vieillissement de la population mondiale. Les chiffres des Nations unies indiquent que près de 25 % de la population a aujourd’hui plus de 50 ans – contre 16,6 % en 1990 – et que ce chiffre atteindra un tiers d’ici à 2050. En général, les gens empruntent et dépensent lorsqu’ils sont jeunes, épargnent et investissent lorsqu’ils sont d’âge moyen, et désinvestissent et dépensent lorsqu’ils sont âgés. Une population croissante d’âge moyen épargnant pour la retraite soutient l’épargne et l’accumulation de richesse au niveau mondial.

La stagnation séculaire (qui est également une fonction de l’évolution démographique) limitant les possibilités d’investissement productif, le secteur de l’immobilier reste bien placé pour accueillir cette épargne.

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